Il est peut être temps de comprendre qui est le Roi, la personne la plus importante des chantiers navals.
Le Roi dans les chantiers navals français, c’est l’Ingénieur du Génie Maritime, Ingénieur en Chef du bureau d’études Projets. En général il a été major de sa promotion et deviendra un jour Directeur en Chef des Études et sans doute Directeur Général. C’est lui qui conçoit le futur navire, le dessinateur des bureaux d’études étant chargé de transformer sa vision (géniale) en plans et l’ouvrier en un navire qui vogue.
A La Ciotat il y a 200 ingénieurs, qui ont déposés 2 brevets en 20 ans. Un circuit intégré pour logique pneumatique inventé par un Arts et Métiers, et un échafaudage inventé par un Centrale Nantes (moi !). Nous fabriquions des navires sous licence, c'est-à-dire inventés par d’autres. Le Roi n’est pas créatif !
On a vu, dans les chantiers pour Liberty Ships de Kaiser et Hann, que c’était l’ouvrier qui était au centre de toutes les attentions. Tout le monde était à son service, c’était le Roi. La raison en était son incompétence qu’il fallait compenser. (tous les incompétents ne deviennent pas forcément Roi !)
Curieusement quand Hann est arrivé dans le chantier japonais de Kuré, bien que les ouvriers soient là des professionnels de haut niveau, c’est encore l’ouvrier qu’il a placé au centre de ses préoccupations. Et c’était une décision réfléchie, qui explique sans doute tout le reste. Le client n’achète pas une idée, ni du papier, mais un tas de tôles transformé en navire. Je ne vous en dirai pas plus pour l’instant, vous laissant réfléchir.
Dans mon rapport de fin d’études de l’I.A.E. j’avais mis là un gros chapitre qui comprenait les bilans comparés de La Ciotat avant la fusion et du groupe I.H.I., ainsi que des principaux groupes et chantiers japonais. L’analyse bilancielle était très intéressante mais n’apportait pas grand-chose à la compréhension de nos aventures, aussi je n’ai laissé que les conclusions plus digestes et très instructives.
I.H.I. c’est un chiffre d’affaires, et des capitaux propres 25 fois plus importants que ceux des C.N.C. (La Ciotat).
Son EBIT (Profit d’exploitation) est de 4% du Chiffre d’affaires, faible certes, mais pas plus mal que ses concurrents. Par contre ses frais financiers sont de près de 5% du Chiffre
d’affaire, énorme ! Ils mangent complètement, et un peu au-delà, le bénéfice.
(Étant donné le montant des aides de l’État français, l’EBIT des C.N.C. représente plus sa capacité à mendier qu’à faire du profit.)
Alors qu’en France la banque ne prête pas au-delà de 1 fois les capitaux propres, ce qui est le cas des C.N.C., I.H.I. a des dettes long terme de 4,3 fois ses capitaux propres, et bien pire
des dettes court terme de 14,3 fois ses capitaux propres. En général on considère que les emprunts long terme doivent couvrir les investissements, donc une portion de ses capitaux propres,
alors que les emprunts cour termes couvrent les besoins en fond de roulement (salaires, dettes clients moins dettes fournisseurs, stocks). La situation financière d’I.H.I. semble donc
désespérée, mais elle est courante au Japon et ils vivent avec ça.
Les ratios de gestion d’I.H.I. par rapport à ceux des C.N.C. sont instructifs : le chiffres d’affaire par salarié est de 3,7 fois supérieur chez nos japonais et le stock par rapport au
chiffres d’affaire de 3 fois inférieur. Ce qui confirme une productivité de 3 à 4 fois supérieure et une gestion des stocks en juste à temps, donc une parfaite maitrise des plannings.
Enfin le taux d’amortissement des immobilisations (bâtiments, machines, outillage) est légèrement plus faible aux C.N.C. montrant que le matériel est globalement plus récent.
Avec les bilans on ne peut pas vous raconter d’histoires longtemps, on voit tout !